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LA VÉRITABLE HISTOIRE DES MARX SISTERS

Une chaussure c'est toujours une histoire connectée à un sentiment, un moment de ma vie, une oeuvre, une chanson, un film, une personne. Je suis obligée de relier tous les points d'un dessin pour avancer et laisser apparaître une figure, c'est tout à fait primordial parce que je tresse ainsi mon existence.

Patricia Blanchet

Chacun de mes modèles possède sa propre personnalité et chaque paire est chargée d'une histoire qui vous saisit les pieds et vous permet d'avancer, de vous sentir solidement terrienne, les pieds sur terre, la tête dans les étoiles. L'on demande des choses insensées à ces chaussures comme de tout prendre dans la tronche à la place de nos pieds et prendre soin de notre corps tout entier, le maintenir droit, debout, conquérant, confiant.
Patricia Blanchet

Les chaussures nous permettent de rentrer en contact avec le monde extérieur. Sans elles on ne met pas un pied dehors. Sauf si l'on vit à la campagne, on peut sortir pieds nus sans risque de s'écorcher la plante des pieds ou de se faire marcher sur le petit orteil par un gros bâtard. Les chaussures sont un connecteur et il faut absolument les idolâtrer. Du moins les miennes, qui sont devenues ou deviendront les vôtres car c'est une évidence, nous sommes faites pour nous comprendre. Parce qu'en plus de vous transporter physiquement d'un point A à un point B, il faut aussi qu'elles vous transportent psychiquement. Et ça, c'est mon taf. Que vos chaussures, avant de les porter, vous puissiez les prendre dans vos mains et vous dire: " Whaou, c'est bien moi qui vais porter cette paire de dingue aujourd'hui ? J'ai donc réussi mes rêves de gamine. Je n'ai besoin de rien d'autre que ces bijoux à mes pieds". C'est ma mission, vous donner ce plaisir d'avoir chez vous un objet que vous pouvez admirer mais aussi faire admirer. Car il vous mettra en valeur et vous donnera la confiance nécessaire pour vous permettre de vous dépasser à chacun de vos pas. C'est là où j'interviens avec cette volonté de toujours vous émerveiller et en donnant une histoire au modèle que vous chaussez. Quand j'étais jeune, mon père était rarement là. Et même quand il était là, il n'était même pas là. Ou bien les week-ends et encore, pas tous. Et je n'étais pas une fille de divorcés. Mais d'un père qui était tout le temps fourré sur les routes à travailler. Il bossait non stop, sans souffler. Et il me rabâchait qu'un être humain s'accomplissait dans le travail. Du coup quand il revenait, après avoir avalé des kilomètres de route, il voulait rattraper le temps avec moi et ma soeur. Alors il réapparaissait le coffre de voiture rempli de cassette VHS qu'il achetait au gré de ses déplacements, sur les marchés. Très jeune, j'ai eu le droit à l'accès d'une culture cinématographique illimité. Chez moi c'était Netflix avant Netflix et qu'avec des films de maîtres pas comme sur cette plateforme de streaming qui a plus des allures de dépotoir que de vidéothèque de luxe.
Patricia Blanchet

Dès le vendredi soir, après l'école, nous fermions les rideaux, les volets, nous enclenchions le magnétoscope, nous préparions les popcorns sur la gazinière et nous démarrions un marathon vidéo. C'était à celle, ou celui si mon père était présent, qui tombait en premier. Le temps n'avait aucune prise sur ses séances et j'avais le sentiment parfois que nous passions des nuits blanches quand, en vérité, nous ne poussions que jusqu'une heure du matin tant nous étions tous fatigués par notre semaine. C'est ainsi que j'ai développé une culture film que même les Cahiers du Cinéma aimeraient bien m'ouvrir le crâne pour me disséquer le cerveau et comprendre comment tout ceci est humainement possible. J'ai commencé par voir des films pas évidents pour une petite fille de six ans mais qui avaient le don de m'hypnotiser. Comme le Cuirassé Potemkine, le premier King-Kong, Un Chien Andalou, les Chaplin, les Buster Keaton, les Kirk Douglas, les John Ford, les Eastwood, les Mack Sennett, les W.C. Fields, les Allen, les Altman, les McCarey et donc, puisqu'il s'agit de ce qui nous intéresse, les Marx Brothers qui m'accompagnèrent de nombreuses fois durant mes séances ciné à la maison. Encore aujourd'hui je ne sais pas combien de leurs films j'ai véritablement vus. Bien qu'ils n'en aient pas fait énormément, moins de vingt, je crois que je tournais toujours en boucle autour des mêmes. Juste pour le plaisir de revoir des gags sous toutes leurs coutures, les comprendre et assimiler l'alternance de leur humour visuel combiné aux répliques assassines de Groucho. C'était vraiment un alliage unique et qui ne fut jamais répété par la suite. Comme ils étaient en activité au moment du passage du muet au parlant, ils s'en sont servis en adaptant leur humour à l'époque de cette profonde évolution. Donc voilà à quoi j'ai été biberonnée toute mon enfance, à bouffer de la VHS les yeux grands ouverts. A rire, parfois aussi être terrorisée devant les Nosferatu ou les premiers Frankenstein de la Universal. Mais la fascination l'emportait toujours sur le reste et je continuais à m'émerveiller devant tant d'imagination. Voilà pourquoi aujourd'hui, quelques années après, au moment de nommer cette délicieuse low-boot, je me remémore ce qui m'a construite, ce qui m'a procuré du plaisir et de la joie en espérant vous transmettre avec ce modèle rebaptisé Marx Sisters de la gaieté. Parce que c'est bien ce que nous sommes et c'est bien ce qui nous lie après tout, l'envie d'être bien et de se faire profondément confiance, en toute conscience.
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