Voilà, on y est. La rentrée littéraire. L’orgie annuelle de papier glacé, de couvertures aux couleurs mornes et de sourires figés dans les pages culturelles. Cinq cents romans qui tombent comme des feuilles mortes mal compostées, cinq cents tentatives de nous faire croire que le monde tremble à chaque virgule de Nothomb ou qu’Emmanuel Carrère a découvert un nouvel angle de sa propre psyché. Spoiler : non. On reprend les mêmes, on les secoue un peu, et hop, revoilà les mêmes mines extatiques sur les plateaux de télé. Et moi, dans tout ça ? Rien. Pas une Patricia 2. Pas un retour triomphal de l’héroïne en escarpins vengeurs. J’avais pourtant prévenu : je reviendrais, plus forte, plus caustique, plus décidée à nuker les rayons littérature. Mais visiblement, l’édition préfère continuer à tourner autour de son carré magique de têtes d’affiche, comme des groupies mal hydratées en festival. Le pire ? Ce confort médiatique qui se recycle en boucle. Une soupe tiède qu’on ressert année après année, en nous jurant que c’est du caviar. Alors que franchement, ça sent plus le plat réchauffé de cantine que le festin intellectuel. Le journalisme culturel, à force de caresser les mêmes auteurs dans le sens du poil, s’est transformé en salon de toilettage. Oui, c’est doux, c’est rassurant. Mais ça ne gratte pas là où ça devrait : dans le cortex. Ce qu’il faut, c’est du neuf. Du radical. Du texte qui arrache les tripes, pas qui endort entre deux stations de RER. Qu’on arrête de prendre les lecteurs pour des caniches royaux. Qu’on ose la littérature qui déraille, qui se fracasse, qui invente d’autres territoires. Qu’on ose aussi faire émerger des voix qui ne sont pas passées par les cocktails Gallimard. Parce que là, honnêtement, à force de ressasser le passé, la prose ressemble de plus en plus à un disque de brocante. Alors oui, je me moque aussi de moi. Parce que je râle, je tape du pied, mais je suis encore là, en train de chroniquer la rentrée littéraire comme si elle avait la moindre importance. Comme si Patricia 2 allait vraiment surgir au détour d’une pile de bouquins chez Gibert. Allez, avouez que vous l’achèteriez. Rien que pour voir si cette fois, elle est contente. En attendant, on continue de s’asphyxier sous la chienlit rassurante des mêmes noms. Mais ça tombe bien, moi, Patricia Blanchet, j’ai de quoi respirer : ça s’appelle foutre un grand coup de latte dans la table.