LA VÉRITABLE HISTOIRE DE L'AMSTRAD
( Et pourquoi vous vous les offrirez )
Quand j'étais gamine, la compétition faisait rage entre deux catégories d'ordinateurs : la cool et la nerd. Et moi, comme j'étais fille unique, j'avais besoin de présence numérique. Alors, j'ai fait le pied de grue devant le bureau de mon père pour le harceler et le menacer de le dénoncer aux flics s'il ne m'achetait pas un Amstrad. Je voulais un ordinateur, moi aussi, comme mes copains dont les parents étaient plus riches. Je voulais jouer à "Commando" et faire des triple sauts arrière aux Jeux Olympiques d'hiver de je-ne-sais-plus-quelle-ville.
Mais à cette époque, mon père était en galère, il menait une triple vie. Il racontait à qui voulait l'entendre que ses maîtresses lui siphonnaient tout son fric. Ça le rendait fier de pérorer ainsi et de sous-entendre que, s'il était un panier percé, c'était de la faute des femmes. Mais c'était de son fait s'il était un tombeur. Les hommes à partir de quarante-cinq ans sont encore plus insupportables qu'avant. Ce besoin de plaire et d'être rassuré à chaque instant est une souffrance pour toutes les femmes. Mais ce n'était pas mon problème. Mon problème était d'avoir cet ordinateur avec un joystick pour pouvoir donner des coups de tatane et aller défier dans les rues mal famées du Bronx.
Mon père me dit alors que si je lui ramenais une brochette de notes maximales d'affilée (disons cinq), il serait d'accord pour me prendre ledit ordi. J'ai donc bûché comme une forcenée et surtout j'ai mis en place des dispositifs de tricherie absolument infaillibles. Tant et si bien que le mois de mon anniversaire, j'avais enchaîné non pas cinq, ni dix, mais vingt vingt. C'est bien simple, ils n'avaient jamais vu cela à l'école. J'étais devenue la Cédric Villani du collège et la cible à abattre pour tous les petits fayots qui ne comprenaient pas comment j'avais réussi à les doubler comme s'ils étaient de vulgaires voitures électriques françaises.
Fière de moi, je suis retournée au bureau de mon père, qui discutait alors avec sa secrétaire, pour lui réclamer mon dû en lui mettant sous le nez une publicité découpée dans Télé Star (mon père adorait et adore toujours ce magazine qui semble être écrit par des termites). "Voilà, j'ai fait ce que tu as voulu, j'ai même dépassé toutes tes espérances, je suis devenue le symbole de la remontada scolaire, so please daddy, rends-moi justice et offre-moi ce Graal."
Le jour de mon anniversaire, il nous invita chez Léon. Il adorait ce resto affreux où ils servent des moules mal décongelées et les serveurs sont sympas comme des vigiles de chez LVMH. Mais je m'en moquais car j'attendais de pouvoir ouvrir mon super gros paquet cadeau. J'étais tellement contente, tellement heureuse que mes prières avaient enfin été entendues par mon père. Il s'agissait de l'aboutissement d'une carrière d'ado.
Au moment du gâteau dégueu, il posa ma récompense bien en évidence. Mon cœur voulait sortir de ma poitrine tant j'étais joyeuse. Pourtant, quel ne fut pas mon désespoir quand je découvris qu'il m'avait acheté non pas un Amstrad mais un Commodore ! Commodore, c'était la concurrence. C'était bien supérieur technologiquement, mais moi je n'avais d'yeux que pour Amstrad car tous les petits bourgeois de l'école avaient un Amstrad. L'Amstrad était plus joli, coloré, agréable, accueillant. Surtout, il m'aurait permis de pouvoir échanger les jeux avec les gens de mon collège.
Alors, même si j'avais honte, je demandai à mon père d'aller le changer là où il l'avait acheté. Problème : il l'avait trouvé au "cul du camion", comme il aimait à le dire, et il n'y avait aucun moyen de le rendre. La mort dans l'âme, j'acceptai son cadeau étrange et je restai dans mon coin sans pouvoir échanger le moindre jeu avec mes amis du collège.
Pourtant, avec le temps, j'ai appris à apprécier mon Commodore. J'ai découvert des jeux incroyables que mes camarades ne connaissaient pas et je me suis plongée dans l'apprentissage de la programmation pour créer mes propres aventures. Cette différence m'a finalement permis de développer une passion unique et de me démarquer autrement que par les notes. Le Commodore est devenu mon allié, ouvrant la porte à un univers nouveau qui m'était jusque-là inconnu.
C'est donc pour cette raison que je voulais réaliser une bottine qui puisse rendre hommage à ma frustration initiale et montrer comment j'ai réussi à la sublimer. L'Amstrad est cette bottine que vous devez avoir pour accéder au sublime. Elle symbolise la quête de ce que l'on croit désirer et la découverte que le véritable trésor se trouve parfois là où on l'attend le moins.