LA VÉRITABLE HISTOIRE DE LA GERMAIMAINE
( et pourquoi vous en parlerez à votre cheval ! )
Il y a quelques années, à une époque où la BX roulait encore, j'avais travaillé tout l'été au Monoprix pour m'offrir, à la rentrée, un abonnement dans un Gymnase Club à la station Mouton-Duvernet, Paris 14. J'étais contente : j'allais pouvoir me construire un corps à la Jeannie Longo, un six-pack semblable à celui de Bruce Lee et des épaules à la Terminator. J'étais alors inscrite à la Sorbonne où j'apprenais les lettres modernes et les lettres anciennes. En vérité, je passais mon temps au cinéma rue des Écoles ou dans les librairies consacrées au septième art, à baver devant les Cahiers du cinémareliés et réédités sous forme encyclopédique.
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Quand j'en avais terminé, je filais à la salle pour soulever de la fonte et m'observer dans le miroir, appréciant à quel point chacun de mes muscles se dessinait. J'enchaînais sur un hammam, puis sur des cours de kung-fu, car très tôt, j'ai su qu'il fallait que je me défende contre le mâle dominant, celui qui se croit tout permis : le Polanski, le Bruel, le Darmanin. J'aimais me projeter dans les airs et envoyer des high-kicks, imaginant que je les distribuais à ceux qui nous rendaient la vie si compliquée parfois. Et quand j'estimais avoir sué l'équivalent d'un seau à champagne, je partais me doucher et enchaînais avec une visite à mon boyfriend de l'époque.
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Il était so cute, so mims, so précieusement charmant. Je l'avais rencontré par l'intermédiaire d'amis communs du lycée. Il allait à l'école Porte de Vanves, à François-Villon. Contrairement à ceux qui fréquentaient cet établissement, il était discret, ne la ramenait pas. Il faisait profil bas en toute circonstance, mais il savait se battre et l'avait démontré en s'opposant à un gitan qui faisait le forcing pour sortir avec moi, le balayant efficacement au sol. Ce petit ami s'appelait Anatol. J'adorais sa grande mèche châtain et ses yeux marrons de plagiste à Saint-Trop.
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Il était issu d'une famille monoparentale très modeste. Ils vivaient dans une tour, station Pernety. Malgré leurs moyens très restreints, j'étais invitée tous les soirs à dîner. Sa mère y tenait beaucoup. Il faut dire qu'elle était très accueillante. Elle m'adorait, disait-elle. Comme vous vous y attendez, cette sacrée femme s'appelait Germaine. Et comme elle n'aimait pas son prénom, elle demandait aux intimes de l'appeler Germaimaine.Chose que je fis aisément car cela me faisait rire. Germaimaine était une grande femme blonde aux cheveux courts, une sorte de Jean Seberg version petite sirène qui clopait comme elle sirotait un whisky cheap acheté au Félix Potin du coin. Et quand elle était beurrée comme un kouign-amann, elle devenait tactile et très drôle, envoyant de tendres scuds à ceux qui se trouvaient sur son chemin. Il lui arrivait souvent de me prendre dans ses bras jusqu'à m'en étouffer, me disant que j'étais sa préférée et que, si jamais son Anatol avait la mauvaise idée d'aller voir ailleurs, elle se chargerait de l'émasculer elle-même avec les dents
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L'image me révulsait beaucoup et, en même temps, sa violence tarantinesque m'amusait, me permettant de garder mon fiancé au chaud. Car il plaisait beaucoup, ce bougre. Je n'étais pas jalouse et il n'en jouait pas, mais un jour, la vie nous sépara le temps des vacances d'été. Il en revint tout transformé. Encore plus amoureux, dois-je dire. Pourtant, je sentais qu'à part son bronzage, son sexe avait viré violet.
Il me jurait pourtant qu'il ne l'avait trempé que dans la mer Égée. Devant ses promesses, je m'offris à lui, mais je déchantais sitôt l'acte terminé. Ce salaud m'avait refilé une MST de la taille de l'ex-URSS. J'étais verte. Je ne pus le cacher longtemps à Germaimaine, qui réussit à lire la déception sur mon visage pourpré de douleur et de tristesse. Elle me prit une dernière fois dans ses bras et me botta le derrière hors de son appartement, me disant qu'à partir de maintenant il faudrait faire sans elle, et évidemment sans Anatole, qui ne méritait plus de me fréquenter.
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Mon cœur était gros, mais je respectai son vœu, me tenant éloignée du 14e. Depuis, je n'eus plus jamais de nouvelles d'Anatol, malgré nos amis communs. Certains disaient qu'il avait fui, d'autres qu'il s'était suicidé, voire pire : que sa mère était impliquée dans sa disparition.Vous comprendrez aisément pourquoi je dédie cette magnifique botte à la mémoire de cette merveilleuse personne, protectrice des femmes et de leur intégrité.
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