LA VÉRITABLE HISTOIRE DE LA SENSATION
( Une histoire à faire l'amour debout)

Voici l’histoire du modèle Sensation, comme si elle avait été griffonnée à 5h47 du matin sur un flyer détrempé de sueur et d’émotions, à l’arrière d’un camion sono garé dans un champ de betteraves entre Laval et l’infini.

Tout commence dans une brume épaisse comme une soupe de rave, une free party surgie de nulle part, annoncée par un texto codé et trois coordonnées GPS erronées.
Un lieu improbable, entre un silo à grains et une mare pleine de grenouilles narcoleptiques. L’air vibrait de tension, de promesses moites et de beats aussi lourds que les paupières d’un teufeur au bout d'une semaine de débauche.


Une nappe sonore rampait lentement dans l’atmosphère, sinueuse comme un serpent cosmique : une basse qui te massait les entrailles pendant qu’un kick obstiné te donnait envie de t’arracher les fringues pour mieux t'exposer.
C’était Daniel Avery, ou alors un sorcier de l’espace, les bras levés, les yeux révulsés, balançant “Sensation” comme on récite une incantation. Et là, tout a basculé : les repères ont fondu, les visages se sont étirés comme du chewing-gum affectif, les gens devenaient chats siamois, les chiens murmuraient des poèmes, et moi je lévitais, les pieds en dehors du temps.

J’avais perdu la gravité, mais trouvé la grâce. C’est à ce moment précis, entre une montée qui n’en finissait pas et une envie de hurler à l'univers tout entier, que j’ai su qu’il fallait capturer ça. Ce truc. Cette chose inexplicable qui se passe quand le monde devient flou, doux, sucré, incandescent. Je me suis réfugiée dans un container à bière vide, j’ai volé un crayon fluo à un type qui dessinait des mandalas avec ses orteils, et j’ai esquissé la Sensation.

Pas une chaussure. Une déclaration. Une déviance. Une offrande à celles qui dansent jusqu’à l’oubli. Une cambrure sensuelle, un talon moyen de 7 centimètres pour ne pas trop redescendre, des lignes ondulantes comme une envie de baiser sans lendemain, une matière qui capte la lumière et la recrachant en pulsations.

Pourquoi “Sensation” ? Parce qu’il fallait un mot pour désigner cet instant suspendu où tu danses avec des fantômes, où tu embrasses sans savoir qui, où tu deviens autre – plus tendre, plus brute, plus vivante. Sensation, c’est ce cri silencieux que ton corps pousse quand il en a marre d’être sage. Une chaussure pour flirter avec l’abandon, pour transpirer avec élégance, pour s’en foutre avec panache. Pour ne plus jamais redescendre vraiment. Ou alors dans les bras d'un ange.
