LA VÉRITABLE HISTOIRE DE LA TONYSCOTT
( Et pourquoi c'est une pépite oufissime )
On me demande C’est le film qui m’a fait réfléchir si je voulais tomber enceinte. Un film qui m’a terrifiée. Qui m’a secouée jusqu’à l’os et m’a laissée là, le souffle court, à la sortie du Gaumont de la rue de la Gaité, une main agrippée à mon ticket froissé, l’autre à mes tripes. J’étais en sixième. J’avais encore des taches de rousseur sur le nez, des genoux écorchés, des rêves flous de baisers sur la bouche. Et pourtant, ce soir-là, dans cette salle obscure pleine d’odeurs de pop-corn rassis et de sueur adolescente, j’ai compris qu’un jour, peut-être, j’allais devoir choisir : vivre comme eux, ou faire comme si.

Eux, c’étaient ces personnages cramés par le soleil californien, ces amants maudits, ces anti-héros à la gâchette facile et au cœur qui saigne de grandes gerbes d'hémoglobines. Thelma et Louise, Blade Runner. Ridley Scott, c’était l’architecte méticuleux, le sculpteur de néons, le maniaque du détail qui inventait des univers où chaque pixel sentait la pluie et le béton humide. C’était grandiose, cérébral, clinique.

Mais moi, ce qui m’a arrachée au sol, ce qui m’a donné envie de hurler, de mordre, d’aimer, c’était pas Ridley. C’était son frère. Tony. Tony Scott, le sale gosse. Celui qui filmait comme on se shoote à l’adrénaline, caméra en bandoulière, un peu tremblante, sueur au front, hard rock de supérette dans les oreilles. C’était Top Gun et ses avions de combat qui virevoltent le ciel. C’était True Romance, surtout. True Romance. Ce film qui m’a ouvert le crâne comme une boîte de conserve.
Le sang, les rires, le flirt avec la mort, les baisers arrachés sur les sièges arrière d’une Cadillac qui pue le cuir rouge et la poudre de perlimpinpin. Patricia Arquette en Alabama, incandescente, qui dégomme ses agresseurs comme une guerrière qui dit fuck à tous les orques. Christian Slater qui vend des comics et se transforme en flingueur par hasard et amour. Dennis Hopper qui fume sa dernière clope avant de prendre une balle par Christopher Walken qui à autre chose à foutre que d'écouter un discours raciste sur les origines des siciliens.

Tony Scott, c’était pas du cinéma. C’était parfois de la pub. Mais, de temps à autre, une fois sur deux, trois, il arrivait à sortir une pépite folle. En tout cas qui me rendait maboula. Et au fil du temps, j'ai pu remarquer que son frère Ridley lui avait emprunté son style de mise en scène un peu cliquant, un peu suranné, mais avec moins de panache et de justesse.
Alors cette chaussure, cette TonyScott, c’est un hommage. Un cri qui vient de l'intérieur. Une façon de dire que parfois, il faut aimer fort, vite, et tant pis si ça laisse des cicatrices comme l'aurait si bien chanté Francis Lalanne. C’est pour toutes celles qui vivent très intensément, qui embrassent trop fort, qui brûlent les feux rouges en plein désert et qui hurlent leur désir dans la nuit, la tête pleine de bigoudis. C’est pour celles qui savent que l’amour, c’est un flingue chargé à blanc. Et qu’il faut bien tirer pour savoir si on a une chance.

C'EST PAR ICI lES REJOUISSANCES