LA VÉRITABLE HISTOIRE D'UN AMOUR DE SWANN
Quand je suis née, il était clair pour mon père que je devais être heureuse. Mais heureuse selon ses principes. C'est-à-dire en étant dévouée à un homme. Comme si j'étais un accessoire pour mec. Ce n'est qu'en regardant mon passé à la loupe que je me suis aperçue de cette anomalie, que je n'ai pas été la seule à subir. Et que d'autres endurent encore. Mais voilà, ce fut ainsi.
Il était hors de question que je devienne une bête à concours, un Prix Nobel, ou une astrophysicienne car mon père voulait que je sois enchaînée à sa vision de femme fidèle, femme sac à main en quelque sorte. Afin de mettre son plan en action, il m'inscrivit dans la pire école du quartier où les profs s'exprimaient plus mal que les élèves.
Là je perdis foi en l'humanité entourée de camarades qui se plaisaient à s'envoyer des pétards au visage, ou en se poignardant à la cantine.
Comment une élève sensible et sensée comme moi, hyper-émotive, pouvait-elle se retrouver entourée de ces démons qui ne s'exprimaient qu'à travers la violence et l'humiliation ? J'avais beau rentrer tous les soirs en pleurs car j'avais été malmenée par les élèves, incomprise par les professeurs, mon père ne bougeait pas d'un iota espérant me faire plier.
Plier pourquoi pas. Rompre, jamais. Je passai donc l'intégralité de ma scolarité recluse dans un coin de cour à espérer que personne ne vienne me parler.
Nous avions déménagé dans un lieu où il n'existait pas la moindre bibliothèque ou médiathèque.
Il était hors de question que je me cultive si ce n'était devant Capitaine Flam ou Albator. Interdit Candy et tout ce qui pouvait faire trop fifille. Puisque j'étais un petit être esseulé, il fallait que je m'endurcisse et que je sois à la hauteur de ses attentes.
Pour cela il me mit à la boxe. Mais pas à la simple boxe anglaise non. Cela eut été trop simple. Mais à la boxe tadjikistane.
Elle possède les mêmes règles mais au lieu d'avoir des gants à chaque main, vous tenez des gourdins. C'était bien plus violent dans les coups portés. Et pour la première fois de sa vie mon père ne se trompa point puisque je me révélai extrêmement douée dans cette discipline. Cela ne changea rien au cours de ma vie et je restai toujours à part, sans amie et orpheline de culture.
Jusqu'au jour où je fus témoin d'un miracle.
Alors que je rentrais du sport, à nouveau victorieuse d'un gamin me dépassant de deux têtes, je le vis. Ce beau camion déambulant dans les rues avec une petite musique et la voix du conducteur qui annonçait sa venue pour la première fois dans notre quartier. Il s'agissait d'une bibliothèque mobile et lorsque je le compris, je me jetai dessus espérant tomber sur une littérature de mon âge.
Le pauvre homme avait été dévalisé par tous les gamins et il ne lui restait plus que des trucs pour vieux. Et comme il n'y avait pas de vieux dans notre quartier (car ils mouraient tous avant 50 ans en raison de la présence d'uranium en trop grande quantité), il ne restait que leurs lectures.
C'est ainsi que je fis connaissance avec l'œuvre de Marcel Proust à 10 ans.
L'entrée en matière fut abrupte mais salutaire et je me délectai rapidement de l'écriture introspective et minutieuse de cet écrivain qui enchanta mon enfance teintée d'un gris tenace. C'est pour cela que j'ai voulu rendre hommage à Marcel en lui exprimant ma gratitude à travers la création d'une bottine flamboyante et tellement féminine.
Une bottine qui serait l'équivalent d'une bonne madeleine car si Cédric Grolet est le roi de la pâtisserie alors Patricia est la Queen of Grolles.
Parce que rien ne collait plus à ce texte que cette ballade : https://www.youtube.com/watch?v=KnUdoUfKpVQ