Cassoletta - Rouge
Escarpins talon 7 cm
LA VÉRITABLE HISTOIRE DE LA CASSOLETTA
Ma mère eut envie d'émancipation très vite. A seize ans, elle prit son baluchon et quitta le domicile familial.
Ses parents la gavaient et elle en avait marre de se manger des mandales pour un oui ou pour un oui. Ca n'allait jamais et son père passait ses nerfs et ses frustrations à coup de barre de fer à détruire tout ce qu'elle aimait.
Partie de sa Normandie, elle atterrit à Paris sans plan en tête. Mais elle se rappelait tout de même qu'elle avait une cousine lointaine que ses parents lui interdisaient alors de fréquenter. De la mauvaise graine disaient-ils. Pourtant elle n'avait nulle part ailleurs où aller. Elle prit sa pièce d'un franc et l'introduisit dans la fente du téléphone.
Et la voilà, deux mois après, qui trainait bras dessus, bras dessous avec sa cousine dans tous les troquets de Saint-Germain. Elles étaient devenues des inséparables à qui tous les mecs voulaient payer des verres. Parfois elles en profitaient. Parfois elles leurs envoyaient au visage car derrière se cachaient des propositions malhonnêtes. Des propositions Matzneffïennes.
Ma mère aimait bien s'amuser mais elle connaissait aussi ses limites alors avant de sombrer alcoolique, elle quitta le studio de sa cousine pour une petite chambre de bonne louée avec des sous qu'une tante éloignée lui avait offerts pour ses 10 ans. Pas de quoi tenir longtemps mais au moins les quinze premiers jours. Il fallait combler pour les suivants.
Elle s'imaginait bien éclusière mais il y avait très peu de places et aucune à pourvoir au moment de sa recherche d'emplois. Le temps pressait et son proprio menaça de la mettre dehors si elle ne réglait pas son dû.
Pressée par le temps, elle prit le premier job qui se présenta et elle se mit à travailler dans une auberge espagnole située rue Amelot dans le onzième arrondissement. Ma mère fut accueillie comme une fille par le couple de patrons de vieux ibériques qui avaient fui Franco pour venir cuisiner de bons plats réconfortants en France. Leurs plats étaient bienveillants, préparés pour faire oublier aux autres exilés qu'ils avaient été déracinés.
Il y avait foule au restaurant car nombreux étaient celles et ceux qui s'y réfugiaient pour avoir un peu d'Espagne en bouche. Ma mère y servait sangria, tapas et autres tortillas à l'encre de seiche jusque pas d'heure car ils avaient aussi conservé les horaires du sud. Ils déjeunaient et dînaient tard. Elle qui rêvait de suivre des cours d'archéologie, elle n'arriva pas mener les deux de front.
Le restaurant lui pompait beaucoup d'énergie mais elle avait besoin de ce salaire et de l'amour parental qu'ils lui offraient. Il fallait faire un choix.
Un choix qui devint une nécessité lorsque la patronne tomba la tête la première dans un plat de friture, la rendant aveugle.
À partir de ce moment-là, ma mère prit aussi la direction des fourneaux. Elle avait bien une vague connaissance des spécialités de la maison à force de les servir mais elle se mit aussi à improviser et à inclure des plats traditionnels français mixés avec ceux de la carte.
Elle inventa la Flammekueche Flamenca. À savoir une tarte flambée avec des moules à la place des lardons. Et surtout une cassolette de noix de Saint-Jacques. Un plat qui la propulsa chouchoute des clients qui l'adoraient déjà en tant que serveuse.
Avec cette nouvelle corde à son arc, elle avait désormais une harpe en main et toute la clientèle à ses pieds. Tant et si bien que rapidement, les gens l'appelèrent mi pequeña Cassoletta. Une consécration pour cette jeune normande qui avait réussi à conquérir Paris alors qu'elle rêvait de dépoussiérer temples et pyramides.
Ce qu'elle fit quelques années après avoir quitté la restauration pour se lancer en autodidacte et devenir la première archéologue amateure reconnue mondialement, enregistrée à l'UNESCO, et qui inspira le film A la Poursuite du Diamant Vert. Vous savez donc désormais pourquoi ce bel escarpin aux formes radieuses, signe le renouveau de cette marque prophétique que vous chérissez tant.