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LA ROUTE DES INDES
Vous donnez l'impression d'avoir été dans le monde de la chaussure depuis votre naissance. Est-ce exact ?
Eh bien oui. Ce qui se dit de moi à ce sujet est totalement vrai.
Est-ce pour cette raison que vous semblez si bien dans vos baskets ?
En tout cas, je ne suis pas à côté de mes pompes. Le tracé est simple et limpide.Vous vous destiniez à autre chose étant petite ?
J'avais en tête de devenir danseuse. Je suis rapidement devenue petit rat à l'Opéra. Après dîner j'allais toute seule, donner des représentations et je rentrais en métro à minuit. Le rythme était compliqué. Je terminais régulièrement à minuit. A huit ans c'est compliqué un tel rythme. Même si la passion enivrante est là, j'étais épuisée les lendemains en classe. Heureusement j'avais un instituteur compréhensif.Et vous avez dû arrêter ?
Mon père tenait absolument à ce que je pratique la méditation transcendantale à un très haut niveau. C'était plus important pour lui que n'importe lequel des diplômes le plus prestigieux au monde, Yale, Harvard, Oxford... alors il m'envoya, à l'âge auquel on rentre au collège, en Inde. Le choc. J'ai tout de suite adhéré au pays et à l'impressionnante force qui s'en dégageait. J'ai trouvé cela fabuleux, magique. Quand j'en parle, j'ai l'impression d'avoir des paillettes dans la voix. J'ai tout de suite trouvé mon mantra et c'était parti pour des longues plages de méditation quotidienne.
C'est très étonnant. N'étiez-vous pas alors très, voire trop jeune pour vivre une telle expérience ?
Je pense que si. Moi-même je n'enverrais pas mes enfants si jeunes. Cela semble tout à fait irraisonnable. Mais il faut croire que mon père savait ce qu'il faisait. Il ne m'est absolument et strictement rien arrivé. J'ai passé des instants délicieux à la recherche de la plénitude. J'ai acquis très tôt une vision globale enveloppante de l'existence, et je conserve une distance appréciable des choses qui m'aide à faire le tri à propos de l'essentiel. J'espère que cela se voit à travers mes créations.Vous continuez à méditer ?
J'ai laissé tomber les cessions à l'âge adulte. Et maintenant je le fais de façon continue. Mais j'ai voulu m'éloigner et faire comme je l'entendais, à mon rythme, ma façon. Je préfère, cela rend plus libre, c'est plus appréciable aussi parce qu'on l'adapte exactement à soi. L'Inde ne m'a jamais quittée. Elle vit, respire en moi. C'est une des actrices principales de ma vie.Propos recueillis par Barbet Ogier pour Terre et Ciel©