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LA STORY DE CHEZ CASTEL

J'ai grandi dans le sixième. Avant qu'il ne devienne une vitrine pour marques de luxes, c'était un bon quartier. Je l'aime toujours et j'adore m'y promener à me remémorer les bons moments passés.

A partir de quatorze ans, soit en troisième, je commençai à avoir la bougeotte et toutes mes amies qui avaient de grands frères me rapportaient leurs premières soirées en boîte de nuit. J'en étais très curieuse au début puis jalouse au bout d'un moment. J'avais envie de braver les interdits et connaître le monde de la nuit.
Patricia Blanchet

Elles allaient donc toutes chez Castel, haut lieu de la Rive Gauche, embarquées par leurs parents parfois. Les miens ne sortaient jamais ou au restaurant tout au plus et étaient de retour vers vingt-deux heures pour attraper la fin du Grand Echiquier ou du Journal de la Nuit de France 3. Je n'avais pas de grande soeur, mais une petite, mes cousines habitaient dans la Drome et surtout j'avais la permission maximale de sortir jusque dix-neuf heures trente, ce qui avait comme résultat de plier le game. Cette proposition à coeur ouvert eut l'effet immédiat de m'envoyer directement dans ma chambre, option isolement. Après cela je fus surveillée d'encore plus près et chaque sortie, même l'après-midi semblait suspecte à mon père qui avait bien compris que j'avais mué et que ma peau d'enfant gisait à ses pieds. Pourtant les prochains mois, je ne pus bouger ni oreille, ni orteil et j'avais beau inventer des histoires tout à fait probables, on m'avait barricadée sentant mes frémissements d'adolescentes. Et toujours les filles de l'école qui me narguaient à raconter leurs soirées passées dans ce club à veiller jusque tard en y faisant la fête à boire et fumer, me disaient-elles. Et puis un jour, mes parents qui travaillaient d'arrache-pied, tous les jours de la semaine, week-ends inclus, répondirent à l'appel pour un tournoi d'arts martiaux qui se déroulait dans le Var près de Cogolin. Là-bas se réunissaient les plus grands spécialistes de combats ayant passé la quarantaine. Et la particularité de ces affrontements était qu'ils se déroulaient couple face à couple. Cela faisait des années que mes parents s'entrainaient tous les deux, entre eux, à pratiquer le kung-fu, le jiu-jitsu entre autres. Quand je me réveillais le matin, ou en plein milieu de la nuit, il n'était pas rare que je retrouve leur chambre saccagée, leur lit brisé, leur armoire éventrée. Nos voisins pensaient à des disputes et nous envoyaient souvent la police qui ne pouvait que constater, que toujours c'était ma mère qui mettait une rouste sévère à mon père. Mais c'était toujours dans les règles de l'art, dans l'espoir de progresser et surtout de participer à cette grande réunion qui venait enfin en France après avoir sillonné toutes les villes du globe. Tous deux s'étaient entrainés dur en vue de pouvoir se mesurer à d'autres couples et briller dans l'octogone qui leur ouvrait enfin les bras.
Patricia Blanchet

C'était une chance inouïe de me laisser un week-end tout entier, moi et ma petite soeur, toutes les deux à la maison, à nous autogérer. C'était pourtant mal connaître mon père qui avait, bien entendu, toujours en tête mes envies du monde de la nuit. Alors il chercha autour de lui chez qui il pouvait me coller, ambiance cellule disciplinaire. Il songea à tout, même à me confier à des gens qu'il ne connaissait pas, du moment qu'ils étaient stricts. Mais cela tombait en plein week-end de Pâques et personne, absolument personne n'était alors disponible. Personne sauf, la soeur de ma mère. Elles avaient été élevées chacune de leur côté après le divorce de mes grand-parents. Elles se voyaient peu et s'appréciaient tout autant. Elle apparut donc, non pas comme la solution adéquate mais comme la seule. Alors après nous avoir emmenées chez elle, en lui expliquant fermement que nous ne pouvions pas sortir après dix neuf-heures, que nous ne pouvions pas recevoir d'appels de garçons, que le seul programme télé que nous pouvions regarder était Questions pour un Champion, que nous ne pouvions pas porter de jupes ou de robes si c'était pour sortir, mes parents déposèrent un baiser sur nos fronts et prirent leurs BX direction le sud et la castagne. Nous n'avions vu cette tante que quelques fois au cours de Noëls passés et autres anniversaires auxquels elle était invitée parfois, par erreur. Nous ne la connaissions donc pas et les premiers instants chez elle furent extrêmement ennuyeux et laissèrent augurer un week-end horrifique. Mais après nous avoir jaugées, elle nous mit à l'aise. Elle nous avoua être timide et qu'elle avait peur que nous soyons aussi coincées que nos parents. Après cela, elle nous mit à l'aise et la musique à fond. Nous avons dansé, bu plein d'Orangina et nous avons rattrapé le temps que nous avions perdu à ne jamais nous trouver. Moi qui la croyais austère, ou folle, ou les deux selon ce qu'en disaient mes parents, était en fait pleine de vie et de doutes, ce qui la rendait extrêmement attachante. Et puis nous avions très peu d'écart, quinze ans. Mais elle se comportait un peu comme moi et ne parlait que de garçons, de fringues, de sorties et de fête. Et c'est à cet instant que je décidai de lui porter l'estocade en lui nommant Castel, comme si de rien. Elle connaissait bien entendu mais elle ne s'y rendait jamais. Elle n'aimait ni le lieu, ni l'ambiance, dégoulinante de prétention qui s'y dégageait.
Patricia Blanchet

Cela s'annonçait mal mais je lui fis mes yeux de lémurien, gonflés de larmes en joignant mes deux mains et en l'implorant de bien vouloir m'y emmener car j'en rêvais. C'était ce soir la chance de ma vie d'y aller. Cela ne se représentait pas avant que je ne trouve un mari qui m'exfiltre de chez mes parents. Elle était bien ennuyée car elle avait promis à ma mère, qu'elle nous tiendrait en laisse, très court. Puis elle se remémora sa propre adolescence et rapidement elle opta pour l'entraide intergénérationnelle. Elle laissa ma petite soeur chez une amie qui avait une ribambelle d'enfants et dont un de plus ne changerait rien au joyeux chaos familial. Et nous sommes reparties chez ma tante, nous changer, nous préparer, nous maquiller. Elle n'avait pas pour habitude de trainer chez Castel alors elle appela ses amis intermittents, ses amis un peu bourgeois aussi, savoir qui aurait ses entrées ce soir là pour aller y danser. Mais personne ne répondait, ou tout le monde partait dans sa famille en Province pour le week-end de Pâques. Alors elle se servit deux, trois shots de vodka et elle se roula un joint. J'étais très tentée d'y céder, de lui demander de goûter mais je me retins et je ne voulais pas gâcher ma première soirée parisienne. Nous sommes arrivées sur place un peu après minuit. J'étais pleine de sommeil et pas très adroite sur les talons hauts que m'avait prêtés ma tante. Quand je me suis retrouvée devant la porte de Castel, j'étais un peu déçue. Je m'attendais à quelque chose de plus grandiose et flamboyant. Mais il n'y avait personne devant le Club et nous n'eûmes donc aucun problème à y entrer, malgré mes quinze ans. Ils étaient trop heureux d'accueillir du monde. Une fois à l'intérieur, c'était le même bilan, il n'y avait pas plus de clients. Quelques tables étaient occupées par de vieux types qui insistaient pour qu'on les rejoigne et qu'on se saoule au champagne à leurs frais. Mais nous préférions encore nous suicider à avaler l'air chaud des sèche-mains plutôt que de partager la moindre seconde avec ces lourdauds. J'étais donc enfin chez Castel mais l'endroit ne ressemblait aucunement à l'idée que je m'en faisais et plus favorablement à une boîte de nuit de la Costa Brava. Alors, après avoir dansé quelques pas, nous avons compris qu'il ne se passerait plus grand chose d'intéressant ce soir là et à une heure trente du matin, nous avons décidé de rentrer. C'est à cet instant là que débarquèrent une trentaine de personnes, à peine plus âgées que moi. Des garçons et des filles totalement ivres et certainement drogués jusqu'aux dents firent leur entrée en hurlant et en se jetant au sol comme s'ils étaient dans leur chambre. Cela donna d'emblée une toute autre couleur à l'instant. Subitement nous ne voulions plus partir mais tenter de nous infiltrer dans cette bande de dingues afin que mon expérience soit totale. Ma tante en connaissait vaguement un et cela eut pour effet de nous catapulter au milieu du groupe, trop heureux d'accueillir deux nouvelles recrues. Cette bande avait un nom, elle se nommait le Caca's Club. Soit le Club des Analphabètes Cons mais Attachants. Je les ai vite trouvés cons et je mis plus de temps à les trouver attachants même si pour la plupart, ils étaient gentils, pas méchants et très bourrins. Le président de ce club se nommait Frédéric et il avait un physique très anguleux, un peu comme un problème de géométrie et son menton remontait comme une pointe de santiag (menton dont je m'inspirerai pour créer la forme de l'Angel). Je ne comprenais rien à ce qu'il me racontait sauf que je lui plaisais énormément et qu'il rêvait de m'embrasser dans le cou et dans le dos. Il en était hors de question car il ne me disait tout autant qu'une pizza aux tripes. Mais il insista en me parlant littérature, qu'il était concepteur-rédacteur dans une grande agence de publicité, qu'il avait déjà quelques romans publiés qui avaient bien marché. Il s'accrocha à moi tout au long de la soirée. J'étais flattée et je le trouvais plus intéressant que mes camarades du lycée mais je n'avais aucunement envie de lui échanger ne serait-ce qu'une poignée de main ou un check vite fait, bien fait.
Patricia Blanchet

 A trois heures trente du matin, ce même Frédéric sonna la fin de la récrée et invita tout le monde à se réunir chez lui, dans son appartement qui se situait à quelque mètres, face aux Jardins du Luxembourg. Tout le monde acquiesça et surtout ma tante alors entre de très bonnes mains dont elle ne décollait plus déjà depuis quelques minutes. Arrivés sur place, nous avons pu découvrir un appartement hallucinant qui donnait pile sur l'allée centrale du Jardin. Tout y coulait à flot, champagne, margarita et autres joyeusetés pour le nez. Mais toujours, je me tins éloignée de ce qui aurait pu m'intoxiquer. A cinq heures du matin, plus personne ne tenait debout et tout le monde était affalé dans un sofa, un siège, un lit, ou un mur. Ma tante était partie dans une des chambres du vaste appartement avec son beau parleur, son Edouard, se souciant peu de mon sort. Une seule personne, à part moi, resta éveillée jusque l'aube. C'était ce cher Frédéric qui avait certainement dû se charger comme une mule pour me tenir aussi vaillamment la jambe. Il déblatérait sans arrêt au sujet de la littérature, car il savait que cela me plaisait, de le presse people et puis de l'agence de pub pour laquelle il officiait et dont il était la figure de proue. Et puis subitement, il devint plus sombre, mélancolique en évoquant son frère Charles. Son grand frère qu'il trouvait plus beau, plus intelligent, plus brillant. Il avoua une certaine jalousie qui le mettait souvent mal à l'aise d'abord puis le plongeait dans un abîme de douleur et de complexe d'infériorité. Alors pour cela il se jetait à plume ouverte dans l'écriture d'abord et dans la débauche à outrance pour tenter de panser ses plaies. Et il avançait ainsi en espérant laisser quelques grammes de tristesse à chaque pas laissé dans le passé. Il se blottit dans mes bras et pleura, pleura et n'eut cesse de pleurer jusqu'au levé du soleil. Et comme un vampire, au premier rayon, il s'écroula la tête la première, plantant son nez légèrement pointu dans le matelas de son waterbed. Cela en provoqua instantanément la crevaison et l'eau dont il était rempli, se déversa dans toute la pièce. Cela ne le réveilla pas pour autant. Je me levai, pris mes affaires, allai voir si je pouvais repartir avec ma tante qui dormait à poings fermés. Et alors que je refermai la lourde porte d'entrée, je revins sur mes pas pour laisser une courte note à Frédéric lui conseillant, quand il serait prêt, de peut-être écrire un roman au sujet de sa relation fraternelle qui le tourmentait tant.
Patricia Blanchet

Le dimanche soir, un peu après la diffusion de 7/7, donc un peu avant vingt heures, mes parents revinrent nous chercher. Mon père avait toutes les côtes fêlées, les pommettes toutes écrabouillées et il manquait deux incisives à maman, mais ils avaient remporté le tournoi de MMA en couple des plus de quarante-cinq ans et cela effaçait bien toutes les douleurs infligées. Ils étaient tellement ravis de leur week-end qu'ils ne demandèrent même pas comment le nôtre se déroula et ce que je pensai de ma première et dernière virée chez Castel.
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