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PATRICIA PART AUX STATES ET VOUS EMBARQUE AVEC ELLE
Le jour où j'ai quitté chez moi, parce que ça chauffait de dingue avec mon mec, mon mari, je suis partie à la recherche de moi-même. Je lui ai laissé le petit, et je suis partie direction la Californie avec une idée en tête, retrouver celui dont j'étais tombée follement amoureuse, celui qui m'avait fait découvrir la fièvre au corps, le grimpage au rideau, l'ascension du septième ciel.

Je me suis présentée au comptoir Air France, et j'ai chopé le premier Jumbo en direction de Los Angeles. Je n'avais ni son Facebook, ni son mail, ni son numéro de portable, car à l'époque où je l'ai connu, rien de tout cela n'existait. J'avais un semblant d'adresse, la dernière en date, de laquelle j'avais reçu son dernier courrier il y a vingt-cinq ans. Courrier auquel je n'avais pas répondu, ayant rencontré mon dude depuis.
Je suis donc partie avec mes derniers modèles de chaussures, la Sheen, la Bullit et mes deux valises remplies de la nouvelle collection pour lui montrer ce que j'étais devenue depuis tout ce temps, avec la ferme intention de le retrouver et de lui dire deux mots, si j'avais le temps de les prononcer avant de l'embrasser.
Tous les vols directs à destination de LA étaient full. Ma seule option restante était d'emprunter celui d'une compagnie aérienne macédonienne (qui déposa le bilan quelques mois après ce voyage). Comme je n'avais pas les moyens de partir en première, ce vol avec quatre escales m'allait très bien. Nous devions passer par Skpoje, La Haye, Reykjavic et Atlanta. Et puisque cela ne semblait pas suffisant pour l'équipage, l'avion dut se poser en urgence à Las Vegas suite à un malaise voyageur. Après avoir passé mon voyage auprès d'un homme monté dans l'avion avec deux seaux de chicken wings KFC, j'en descendis fourbue, comme si je venais de faire vingt-quatre heures de ligne 13 un jour de grève avec le son du violon en plein dans les tympans.
L'avion ne repartit jamais de la ville du jeu, c'était terminus et à nous de nous démerder pour rejoindre la Californie. Pour moi surtout qui, après avoir passé l'immigration, me demandai comment j'allais continuer en m'apercevant que ma carte de crédit ne voulait pas me donner un seul dollar. Je me suis effondrée dans un recoin de l'aéroport avec mes valises, et me suis mise à pleurer, en me disant que mon mec m'avait mis l'oeil sur ce voyage.
Me voyant effondrée, un homme, petit, chauve, fringué en cow-boy vint à ma rencontre savoir ce qui m'arrivait et s'il pouvait m'aider. Il ressemblait à ce petit personnage persécuté par Benny Hill et sur le crâne duquel il tapotait sans cesse. Il se prénommait Scott. Je lui racontai donc mes péripéties et mon envie de rebrousser chemin. Il m'arrêta net et me proposa de venir avec lui à l'hôtel. Non pas pour coucher avec, mais pour qu'il m'abrite, le temps que je voulais.
Il avait une suite faramineuse, un penthouse d'un millier de mètres carrés surplombant le Strip. Il m'installa dans une des pièces contenant un lit, puis il descendit jouer au casino avant de me donner rendez-vous au Cirque, illustre restaurant de l'hôtel. Là il fut très bavard et me raconta qu'il avait, en réalité, vingt-deux ans, malgré les apparences. Qu'il était atteint de progéria, ce qui accélérait furieusement son vieillissement. Son père, atteint de la même maladie, lui fait léguer des terrains immenses en lisière du Mexique dont il se servait pour faire pousser des agrumes qu'il vendait ensuite aux gens qui aimaient boire des mojitos ou mettre du citron dans ce qui leur tombait sous la main. Quand arriva la fin du repas, il commanda une bouteille de champagne et deux coupes immenses, en forme de bassine, en me demandant si je voulais bien l'épouser ce soir même, dans une chapelle qu'il affectionnait particulièrement.
